Extrait de Avec William Burroughs – Notre Agent au Bunker de Victor Bockris, éd. Denoël, 1985.  Traduction: Isabelle Baudron

With William Burroughs – A Report  from the Bunker

Bockris avec Chris Stein, Burroughs, et Deborah Harry dans son appartement après le dîner. Photo par Bobby Grossman

Avec William Burroughs

Burroughs à New York

Dîner avec Debbie Harry et Chris Stein: New York 1980

DEBBIE HARRY: Êtes-vous déjà allé au Portugal?

BURROUGHS: Oui, je suis allé une fois à Lisbonne le temps d’un repas, mais je ne connais pas du tout le Portugal. C’est étrange, cet endroit ne ressemble à aucun autre. Je me trouvais à Lisbonne. Là-bas, les gens sont très différents, l’architecture aussi est caractéristique. Je me souviens qu’un jour à Tanger un bateau de pêche portugais avait soudain été refoulé dans le port par un vent quelconque, et l’on pouvait repérer un matelot de cette nationalité à cinquante mètres. Ce sont des gens étranges, d’allure plutôt rude et archaïque, habillés de façon bizarre; certains sont très beaux, d’autres, affreux.

HARRY: C’était aussi vrai des Atlantes et des druides, n’est-ce pas?

BURROUGHS: Mais ils étaient tellement distingués! Il suffisait de les voir arriver à cinquante mètres pour pouvoir dire: « Voilà un Portugais. »

CHRIS STEIN: Plus je voyage, moins j’ai envie d’aller vivre ailleurs qu’à New York. Bill, vous habitez à deux pas d’où nous habitions dans le Bowery.

HARRY: Nous habitions une maison hantée.

BURROUGHS: Hantée par qui?

HARRY: Au-dessus d’un magasin de liqueurs. Il y avait une usine de poupées où avaient travaillé des enfants.

STEIN: Quand nous avons emménagé, les objets devenaient fous furieux, ils se mettaient à voler tout le temps.

HARRY: Des feux!

STEIN: Il y avait un palier immense à chacun des trois étages, entièrement délabrés, mais j’y ai trouvé de vieux objets qui se trouvaient là depuis les années 40, de vieilles plaques.

HARRY: Il y avait des impacts de balles dans les fenêtres faits par la mafia au temps où ils occupaient l’endroit.

BURROUGHS: Quels phénomènes paranormaux se sont donc produits? Parlez-moi de cela.

HARRY: Il y avait une entrée qui donnait sur la rue, une cage d’escalier, longue et étroite, très sombre et, en haut de cette cage, un mur plan avec une porte encastrée à l’intérieur. Chris décida de peindre le mur en noir. Soudain un coup violent s’est produit et il a vu comme un petit garçon.

STEIN: Le temps d’un éclair, j’ai vu un petit gamin. C’était plus qu’une sensation. On aurait dit une présence.

BURROUGHS: Avais-tu une idée de l’âge de l’enfant?

STEIN: Huit ou neuf ans.

BURROUGHS: Y avait-il quelqu’un de cet âge à proximité?

STEIN: Non, il n’y avait pas de petit garçon autour.

BURROUGHS: Parce que, comme tu le sais sans doute concernant les poltergeists, ils se manifestent presque toujours à travers des gens jeunes.

STEIN: Notre bassiste, un adolescent, faisait constamment des dépressions nerveuses.

BURROUGHS: C’est ça! C’est ça!

STEIN: Une fois, Gary a presque été électrocuté.

BURROUGHS: Wow! On dirait un véritable poltergeist.

STEIN: Je suis entré dans la pièce et il serrait la lampe. J’ai donné un coup dessus pour qu’elle tombe de sa main. Il était là, debout, ses vêtements étaient grillés.

BURROUGHS: Mon Dieu! C’est terrible!

Victor Bockris: Avec William Burroughs