Psychiatrie, le Carrefour des Impasses – Introduction (1)
Psychiatrie, le Carrefour des Impasses est un recueil de documents et de nouvelles qui témoignent d’événements dramatiques survenus dans un hôpital psychiatrique en France à partir des années quatre-vingt. La première partie, qui rassemble des extraits de la revue Objectifs réalisée par des soignants et des soignés de 1984 à 1987, est un exemple du travail thérapeutique qu’il était alors possible d’effectuer en psychiatrie durant le ministère de Jack Ralite[1], qui avait donné aux équipes soignantes de terrain les moyens de mettre en place des projets correspondant aux besoins des patients, aidées en cela par l’administration. Les textes de la deuxième partie traitent du vécu de patients et de soignants dans les années suivantes et sont représentatifs de la dégradation progressive du travail soignant, des conditions d’hospitalisation et des droits des patients au cours des ministères ultérieurs. La troisième partie contient la correspondance.
J’ai écrit ce livre après avoir démissionné de la psychiatrie publique au début des années quatre-vingt-dix, refusant de cautionner le changement d’orientation qu’elle avait prise dans le contexte du « tournant gestionnaire »: les faits auxquels j’étais confrontée me paraissaient inacceptables sur les plans de la qualité des soins et du travail, et incompatibles avec la fonction soignante à laquelle j’avais été formée et que j’étais payée pour exercer. Toutefois n’ayant alors qu’une connaissance très limitée du contexte économique, j’étais loin de soupçonner que j’assistais au début d’un démantèlement de la psychiatrie française programmé sur le long terme, dans le cadre d’une planification d’une privatisation des services publics qui était alors pour moi du niveau de l’inconnaissable.
A mon entrée au centre de formation en 1976, j’arrivais dans un hôpital psychiatrique de construction récente, considéré comme avant-gardiste à l’hôpital départemental. Les deux médecins-chefs qui dirigeaient les deux secteurs partageaient la même conception de leur métier, s’entendaient bien et étaient profondément respectés des équipes infirmières. L’un d’eux était arrivé de la région parisienne en compagnie d’un groupe d’infirmiers qui l’avaient suivi, désireux de continuer à travailler dans le même état d’esprit et de partager avec lui ce qui représentait pour eux une aventure: mettre sur pied une psychiatrie humaniste dans un hôpital à taille humaine, ouvert sur l’extérieur. Les effectifs infirmiers étaient suffisants pour accompagner les patients durant leur hospitalisation et après leur sortie. Les gens venaient travailler avec plaisir, s’impliquant personnellement, n’hésitant pas à revenir sur leurs repos pour assister aux réunions d’équipes, au point que la grande salle de réunion utilisée ne suffisait pas à contenir le personnel présent. Apprendre le métier dans ce contexte était tout simplement passionnant.
Après le départ de Jack Ralite, les changements de critères d’évaluation imposés par les ministères suivants ont régi la nouvelle organisation impulsée par l’administration. Les méthodes de harcèlement qui sont apparues dans ce contexte, et qui n’avaient jamais existé auparavant dans cette structure, n’étaient pas explicitées, ni connues comme elles le sont aujourd’hui. Aussi cette évolution était-elle pour les soignants, non informés de leur nature, et privés des éléments de compréhension, de l’ordre de l’incompréhensible et de l’absurde: du jour au lendemain, sous prétexte de « faire des économies ». Le travail qui nous avait été demandé de mettre en place, et l’état d’esprit dont il s’inspirait, devenaient caduques.
La première étape a consisté, au début des années quatre-vingt, en la fermeture des centres de formation des infirmiers de secteur psychiatrique (ISP) et la disparition des domaines d’études qui y étaient enseignés: trois années partagées entre les cours et le travail dans les services, dans le cadre d’un établissement pratiquant la psychothérapie institutionnelle[2], en présence des patients: repas « thérapeutique » pris avec les hospitalisés, accompagnement de ceux-ci dans les activités quotidiennes, formation aux entretiens psychothérapiques et aux prises en charge dans le cadre d’une équipe soignante, etc.: nous étions des infirmiers cliniciens, formés « au lit du malade », à cette différence près que ces derniers n’étaient généralement pas alités.
Le niveau d’études des ISP était élevé: la première année était consacrée, au niveau de l’enseignement psychiatrique, à l’étude des comportements pathologiques, la deuxième, à celle de la nosographie psychiatrique proprement dite, et la troisième, au volet légal et administratif et à l’éthique de la profession. Le programme consacré parallèlement à la médecine somatique et aux soins infirmiers était identique à celui des centres de formation d’infirmiers diplômés d’État (D.E.), d’après ce que j’ai constaté pour avoir suivi auparavant une première année de formation dans une école d’infirmière D.E.. La surveillante qui nous enseignait la pratique des soins infirmiers en psychiatrie venait d’une école D.E. Contrairement à une idée faussement accréditée pour justifier la disparition des infirmiers psy, ceux-ci n’étaient pas des « sous-infirmiers » ignares en matière de pratique infirmière, et les soins qu’ils dispensaient ne se bornaient pas à la partie du corps située au-dessus des sourcils: les patients en psychiatrie ne sont pas de purs esprits, ils ont un corps physique comme tout le monde et sont en proie aux mêmes pathologies que les autres.
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En raison du secret professionnel auquel je suis tenue en tant qu’infirmière, ce recueil n’indique pas les identités des acteurs de ces faits, qu’il s’agisse de celles des patients comme des soignants. En outre, il importe de dire que l’hôpital concerné était alors, dans notre pays, un centre de soin de loin plus vivable que beaucoup d’autres, considéré comme avant-gardiste par rapport aux hôpitaux plus anciens. De plus depuis que ces textes ont été écrits, certains de leurs acteurs sont décédés. C’est pourquoi il n’est pas question ici d’attirer l’attention sur des individus donnés, mais de mettre en lumière des faits et des comportements, afin d’amener à leur compréhension, et de faire en sorte que les acteurs de ces événements ne soient pas oubliés, qu’ils ne les aient pas vécus en vain, et que leur exemple puisse éviter que d’autres subissent les mêmes traitements.
Le milieu hospitalier est un monde fermé au niveau informationnel. Si les soins dispensés se traduisent par un mieux-être des patients, il n’y a pas de problème. Mais quand l’hospitalisation a pour conséquence la dégradation physique et psychique, la privation de liberté et parfois la mort de gens, alors là il y a problème. Si les gens qui y travaillent, qui sont les seules personnes en mesure de disposer de l’ensemble des éléments relatifs aux faits qui s’y déroulent (documents administratifs, extraits de dossiers, etc.), ne témoignent pas alors de ce qu’ils observent, ils participent à une perversion du service public et contribuent à perpétuer et cautionner une telle situation.
Quand j’ai constaté la dichotomie existant entre le niveau des mots, la théorie qui m’avait été enseignée comme un savoir scientifique et que j’avais étudiée comme telle, et celui des faits, à savoir la réalité que pouvaient vivre certains patients, qui m’apparaissait intolérable et inacceptable, j’ai tenté dans un premier temps de changer les choses de l’intérieur. J’ai élaboré et mis sur pied un projet, basé sur les données de la sémantique générale d’Alfred Korzybski, la théorie de l’inhibition de l’action d’Henri Laborit et les concepts burroughsiens d’Académie et de Famille Johnson, qui visaient à répondre aux besoins humains des gens et à les amener à tirer parti de leurs capacités. L’entreprise, qui se concrétisa dans le groupe B 23, avec la complicité de William Burroughs et de Brion Gysin, réussit au-delà des espérances de départ, mais la hiérarchie y mit fin au bout de trois ans, considérant que ces résultats, pour le moins inattendus, remettaient en question l’ensemble de l’institution.
En réalité, ce projet avait été accepté par défaut car répondant aux consignes administratives venues du ministère, et ayant été le seul à avoir été proposé, mais il n’était pas du tout prévu au programme qu’il remplisse les objectifs thérapeutiques fixés. Quant à obtenir de meilleurs résultats auprès des patients, et à proposer des alternatives de prise en charge moins onéreuses que celles prévues par les gestionnaires pour « faire des économies », c’était d’une part impensable venant de simples infirmiers, et de toutes façon inacceptable par l’institution.
Je tentai dans un deuxième temps d’utiliser ma fonction pour intervenir en faveur de certains patients en difficulté auprès des différents niveaux de la hiérarchie, pensant naïvement que ce qui m’était intolérable à moi le serait aussi aux gens concernés, qui avaient le pouvoir d’influer pratiquement sur le sort des hospitalisés plus que je ne pouvais le faire. J’ai alors constaté qu’il n’en était rien, et j’ai vu s’effondrer au cours de ces années toute la réalité des discours sur les droits de l’homme, l’éthique médicale, les devoirs du service public envers les administrés, etc., réalité en laquelle j’avais cru et que j’avais vécue jusque-là. J’ai abouti à la conclusion, après avoir épuisé les moyens dont je disposais, qu’il n’existait à l’intérieur d’un tel système aucune porte de sortie. La situation m’est alors apparue absurde et désespérée. Or je ne croyais pas à l’absurde; j’ai alors émis l’hypothèse que pour en sortir, il devait exister des solutions qui n’avaient pas été envisagées jusqu’ici, et j’ai décidé de rester dans la place jusqu’à ce que je comprenne ce qui s’y passait exactement, en utilisant pour ce faire l’ensemble des moyens dont je disposais. M’aidant de la sémantique générale, d’un appareil photo, d’un magnétophone et des données tirées des livres de William Burroughs sur les systèmes de contrôle, j’enquêtai pour mon propre compte sur les facteurs de dégradation, adoptant à leur égard une attitude similaire à celle du biologiste envers des virus dans son laboratoire, passant implicitement du statut d’infirmière à celui d’agent burroughsien. Cette tactique eut pour effet de rendre ma situation mentalement bien plus confortable: extérieurement celle-ci n’était pas modifiée, mais ce changement d’attitude intérieure me permettait de cesser de subir, d’acquérir une certaine maîtrise de la situation tout en réduisant l’impact émotionnel des agressions. Ainsi, dans le chapitre Évaluation, qui est la retranscription d’un enregistrement d’un entretien avec le médecin-chef et le surveillant-chef, l’utilisation du magnétophone, dont ils ignorent l’existence, modifie radicalement le rapport de force, le transformant à mon avantage en un rapport d’intelligence. J’ai profité de mes observations et expérimentations dans ce contexte pour écrire parallèlement Des systèmes de contrôle: Techniques de contrôle et stratégies de non-contrôle (Interzone Éditions).
Psychiatrie, le Carrefour des Impasses, résultat de ces investigations, était la seule possibilité d’action à ma portée qui n’ait pas été préenregistrée, prévue, ni inclue comme donnée par le système psychiatrique. « Castaneda décrirait cela comme une irruption soudaine du Nagual, l’inconnu, l’imprévisible, dans le Tonal, qui est la totalité du film préenregistré. Ceci va à l’encontre des lois les plus fondamentales d’un univers prévisible et orienté par le contrôle. Introduisez un facteur imprévu et par conséquent imprévisible, et toute la structure s’effondre comme un château de cartes. » W. Burroughs
Ces écrits permettent de considérer ces événements avec recul, ce que n’ont pas eu la possibilité de faire les acteurs de ce livre au moment où ils les vivaient, quelques soient leurs fonctions. Ils permettent d’observer l’enchaînement des événements dans leur contexte jusqu’à leur issue dramatique, et de constater que cet enchaînement et cette issue ne résultent pas tant de la volonté d’individus donnés que de la conjonction de divers facteurs en interaction à différents niveaux: facteurs idéologiques, politiques, économiques, institutionnels, structurels, relationnels, sémantiques, etc., dont personne n’a conscience et qui conditionnent le mode de pensée et de comportement de ces acteurs à leur insu. L’issue dramatique n’est pas prévisible au départ et il n’existe pas, au niveau des soignants ni des équipes médicales, de volonté délibérée de provoquer ces événements, pas de conscience des conséquences des actes ni des mécanismes qui les engendrent, et en raison de cette inconscience, pas de volonté non plus d’empêcher leur survenue. Chacun est pris dans un rythme incessant de tâches disparates à accomplir, qui monopolisent l’attention et émoussent la perception. Chaque niveau de la pyramide raisonne selon une logique, un savoir et une grille de pensée propres à sa formation, et dont certains aspects sont en contradiction avec ceux des autres niveaux, d’où l’impossibilité pour ces niveaux de communiquer véritablement.
Un jour un vieux surveillant, qui avait vécu la période de l’ouverture des asiles après la deuxième guerre mondiale, disait qu’il avait fallu que des soignants vivent eux-mêmes l’expérience des camps nazis pour réaliser les similarités des conditions d’enfermement entre ces camps et les asiles. Ce dont ils n’avaient pas conscience avant d’être eux-mêmes passés par là dans la mesure où ils ne s’identifiaient pas à leurs patients leur est après coup apparu intolérable. Et ce surveillant déplorait le fait que les soignants des jeunes générations, formés à des savoirs théoriques, n’ayant pas eu cette expérience personnelle de l’enfermement, pouvaient reproduire des attitudes et des comportements asilaires envers des gens qui leur étaient présentés avant tout comme des objets d’étude et auxquels ils ne s’identifiaient pas au niveau humain, une telle identification étant considérée comme sortant du cadre de la « neutralité bienveillante » que le thérapeute est tenu d’observer à l’égard des patients, et à ce titre, comme anti-thérapeutique.
Il n’est donc pas question ici de faire le procès de quiconque, mais de confronter le niveau des mots à celui des faits, afin de mettre en lumière des mécanismes de pensée et de comportements générateurs d’oppression dans un milieu donné, et d’engendrer une réflexion à leur sujet ainsi que sur les postulats qui les sous-tendent. En raison de la similarité de structure des services publics, ils ne sont pas spécifiques du milieu psychiatrique et peuvent être également observés dans d’autres branches de ces services (police, gendarmerie, milieu carcéral, éducation, etc.). Aussi les techniques utilisées ici pour les mettre en lumière sont également applicables aux agents de ces services qui se sentent confrontés à une situation similaire à la mienne.
Le procès de Maurice Papon qui s’est achevé au moment où j’écrivais la première version de ce livre, a statué sur sa culpabilité en tant que préfet du régime de Vichy durant la deuxième guerre mondiale, jugeant condamnables la compromission de l’administration et sa participation dans les crimes alors commis sous la pression de l’envahisseur nazi, et incompatibles avec des valeurs républicaines et démocratiques. Psychiatrie, le Carrefour des Impasses met en lumière des comportements similaires et une logique similaire, quatre décennies plus tard, en temps de paix, remettant en question une structure et des modes de pensée qui les génèrent, et par là-même, la légitimité de la condamnation de Maurice Papon: de quel droit condamnerions-nous un homme pour des comportements que nous adoptons nous-mêmes ? Qui sommes-nous pour juger ? Ou sont les « leçons de l’Histoire » que nous sommes censés tirer de ce proche passé quand nous sommes incapables de nous confronter aux conséquences de nos propres actes, autrement dit, irresponsables? Qu’entendons-nous par « coupable », si ce n’est le rejet d’une faute sur ce passé pour mieux nier le présent ?
J’ai rajouté dans une troisième partie des documents de recherche offrant des portes de sorties à différents niveaux à ce carrefour des impasses :
- Une alternative au travail en institution,
- Une méthode simple pour se débarrasser des cauchemars,
- Des pistes de résolution des problématiques dans lesquelles est enfermée notre civilisation,
- Une hypothèse sur des perturbations métaboliques à l’origine des troubles bipolaires.
Le titre de ce livre est une traduction de The Place of Dead Roads de William Burroughs, (publié sous le titre Parages des Voies Mortes, chez Christian Bourgois). « Un écrivain est un espion dans le corps de quelqu’un« , a écrit un jour celui-ci, citant Jack Kerouac. Le Carrefour des Impasses est une expérimentation, à plusieurs niveaux, des techniques et des concepts développés et décrits par Burroughs et son collaborateur et ami Brion Gysin, sans le travail et le soutien desquels le groupe B 23, qui fut un des volets de cette expérimentation, n’aurait pu exister. Il est une application des fonctions de l’écriture qu’ils ont utilisées:
- Fonction symbolique du langage (Korzybski): « Un mot est un symbole, un signe qui représente quelque chose. S’il ne représente pas quelque chose, il devient alors non plus un symbole, mais un signe dépourvu de sens… La transmission, à un auditeur peu soupçonneux, de bruits à la place de mots ou de symboles, doit être considérée comme une fraude. » (Science and Sanity – Du symbolisme)
- Fonction de time-binding (Korzybski): qui consiste à relier l’auteur et le lecteur à travers l’espace-temps: quand je lis un texte, je suis reliée à son auteur au moment et à l’endroit où il l’a écrit.
- Fonction magique, décrite et expérimentée par Brion Gysin et William Burroughs, qui consiste à créer la réalité: « L’écriture sert à faire arriver les événements. » (Brion Gysin): « Mektoub, c’est écrit.« : un écrivain écrit un scénario de la réalité que ses lecteurs peuvent ensuite actualiser dans leur propre vie, et créer ainsi leur réalité.
- A travers le lien qu’elle crée entre l’auteur et le lecteur, l’écriture instaure une collaboration entre ceux-ci, qui produit, en fonction du principe de non-additivité mathématique, un phénomène appelé par BURROUGHS et GYSIN le « tiers esprit« : en matière de coopération humaine, 1+1=3.
« Gysin: … lorsque vous associez deux esprits…
Burroughs: … Il y a toujours un tiers esprit…
Gysin: … Un tiers esprit supérieur…
Burroughs: … Comme un collaborateur invisible. »
(Œuvres Croisées, titre original The Third Mind)
Merci à eux, membres de la Famille Johnson[3], d’avoir rendu cette aventure possible et du rôle qu’ils y ont joué. Merci également aux Docteurs Jean-Pierre Verrier et Bernard Lafond, ainsi qu’au directeur de l’école, Clovis Durand, auxquels je dois la qualité de la formation qu’ils m’ont dispensée et le respect des patients qu’ils m’ont transmis, ainsi qu’à Roger Gentis, et Francis Jeanson qui m’ont encouragée dans la rédaction de ce livre et dont les ouvrages m’ont servi de référence pendant mon parcours en psychiatrie.
Extraits du Journal Officiel de la République Française
Décret n° 93-221 du 16 février 1993 relatif aux règles professionnelles des infirmiers et infirmières:
Art. 2 – L’infirmier ou l’infirmière exerce sa profession dans le respect de la vie et de la personne humaine. Il respecte la dignité et l’intimité du patient.
Art. 4 – Le secret professionnel s’impose à tout infirmier ou infirmière et à tout étudiant infirmier dans les conditions établies par la loi.
Le secret couvre non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, lu, entendu, constaté ou compris.
Art. 6 – L’infirmier ou l’infirmière est tenu de porter assistance aux malades ou blessés en péril.
Art. 7 – Lorsqu’un infirmier ou une infirmière discerne dans l’exercice de sa profession qu’un mineur est victime de sévices ou de privations, il doit mettre en œuvre les moyens les plus adéquats pour le protéger, en n’hésitant pas, si cela est nécessaire, à alerter les autorités médicales ou administratives compétentes lorsqu’il s’agit d’un mineur de quinze ans.
Art. 26 – L’infirmier ou l’infirmière agit en toutes circonstances dans l’intérêt du patient.
[1]. Voir l’article d’Eric Favereau: Jack Ralite, quand la santé faisait rêver, Libération https://www.liberation.fr/france/2017/11/13/jack-ralite-quand-la-sante-faisait-rever_1609821:
« La psychiatrie me passionnait, parce que j’avais toujours en tête la phrase d’Artaud: « Un fou, c’est aussi quelqu’un qui dit des vérités que la société ne veut pas entendre ». Et je découvrais le mouvement psychiatrique dans un monde médical encore très corporatisé. J’étais heureux dans ce milieu, comme un poisson dans l’eau. On aurait dit qu’une partie de ma vie, de mes illusions et de mes petites tragédies individuelles se retrouvait là.» Jack Ralite (1928-2017)
[2]. « La psychothérapie institutionnelle est un modèle d’élaboration théorique et pratique du soin psychiatrique utilisant de manière ordonnée à des fins psychothérapiques le lieu d’échanges et de rencontres où est accueilli et traité le malade.
Ce mouvement est né dans les hôpitaux psychiatriques français au sortir de la seconde guerre mondiale, dans une conjoncture politique et socioculturelle soucieuse de dignité humaine et de démocratie.
Ses principes sont issus d’une part, de la reconnaissance de l’effet pathogène de l’asile dénommé hôpital psychiatrique en 1937 – qui avait conduit à l’écrasement de l’existence du malade – et d’autre part, de la reconnaissance de la singularité de la personne et de la subjectivité de la souffrance psychique.
Dès lors, la psychothérapie institutionnelle articule une double dimension: sociologique et psychanalytique. Elle préconise une utilisation de l’institution dans son aspect instituant visant à mettre en place un système de médiations symboliques favorisant une dynamique des échanges.
Elle a induit une créativité au sein du monde hospitalier qu’elle a transformé, engendrant l’organisation actuelle de la psychiatrie publique de secteur: à l’intérieur d’un territoire géodémographique, une même équipe assure pour tous les malades une continuité des soins à l’aide de structure variées – comportant ou non des possibilités d’hébergement – et effectue un travail en direction de la population.
Progressivement, depuis les années 1980, on assiste à une remise en question de ses fondements, parallèlement à l’essor des neurosciences, à l’extension de la sphère du droit, aux restrictions budgétaires et aux nouvelles demandes adressées à la psychiatrie par le champ social et politique.
Ce contexte favorise l’émergence de modes objectifs et statistiques de compréhension de la maladie mentale, de définition même de celle-ci et du malade, aboutissant à l’apparition de pratiques se voulant plus rationnelles dans un souci d’efficacité.
On parle ainsi de crise de la psychiatrie. Le terme me paraît approprié car il s’agit bien d’un bouleversement des repères théoriques et cliniques antérieurs liés à des facteurs externes environnementaux et internes. Comme toute crise, elle peut déboucher sur plusieurs solutions: un pseudo-équilibre laissant les dysfonctionnements s’aggraver insidieusement avec renforcement des mécanismes de défense, une solution catastrophique où la psychiatrie ne répondrait plus à sa mission de soin ou une solution positive intégrant les contradictions et menant à un équilibre de niveau supérieur. »
Fondements éthiques de la psychothérapie institutionnelle, Docteur Nicole Cano, Psychiatre des Hôpitaux. Hôpital de la Timone. F-13 Marseille
[3]. « »La Famille Johnson » était une expression du tournant du siècle pour désigner de sympathiques oisifs et de bons larrons. Elle a été élaborée en un code de conduite. Un Johnson respecte ses engagements. C’est un homme de parole et on peut traiter avec lui. Un Johnson s’occupe de ses propres affaires. Ce n’est pas un fouineur ni un pharisien ni un fomentateur de troubles. Un Johnson donnera un coup de main quand on a besoin d’aide. Il ne restera pas planté quand quelqu’un se noie ou est bloqué dans une voiture en feu. » William Burroughs, Introduction de The Place of Dead Roads. Parages de Voies Mortes, Christian Bourgois.
Chapitre suivant: Un journal pour un projet