Louis

J’ai croisé tes regards apeurés
Lors d’un de tes moments de lucidité
Quand l’âpreté de ta démence
Quitte tes entrailles et ton esprit
Et te laisse entrevoir la densité
De ta folie … si folie il y a ….
Tu pourras la quérir
Peut-être dans tes poches

Ou dans les poches du regard des autres,
Parfois plus vide que le tien.
L’innocence du délire
De ton langage bariolé
Fait fuir quelques fois mais aussi
Possède pureté et naïveté
Même dans tes expressions les plus lubriques
Tu nous inondes de ton savoir électrique
Ce savoir si étrange, si lucide,
Si euphorisant, si humilié parfois.
Le reconnaissons-nous ?
Il fait bon s’épancher à son contact
Il peut nous embarquer vers des contrées lointaines
Il vient de cette époque lumineuse
Où tu possédais beauté, jeunesse et liberté
Où tu te débattais dans ces méandres glauques
Du LSD et autres paradis artificiels
Ces paradis te firent descendre aux enfers
Puis à l’enfermement
Tu as droit à notre protection, notre respect, notre amour
Car enfin de quoi peux-tu être coupable, sinon d’innocence.

17 octobre 1995

Tableaux de Louis

Bécassine, 1ère publication La Vie des Autres N°3, 1994

Les Coteaux de la folie tendresse

Parking, terre brûlée
Service des Coteaux, bâtisse, enfermement partagé
Pas à pas, tripes nouées
J’entre dans cet univers, danger pour la société

Monde fermé, monde perdu
Ils sont là, hommes et femmes éperdus
Dans cette galère infinie
Derrière les grillages de leur folie.

Il est là, trapu, maladroit, émouvant
Dans ce contre-jour baigné de soleil filtré
Main déjà tendue, pour offrir, pauvre hère déboussolé,
L’objet tendresse malaxé de ses doigts obéissants

Je n’oublierai pas cette journée délire intimiste
Les cœurs de tournesols noircis
Les blés coupés écorchant ma liberté
Me rapprochant de tous ces paumés.

Retour tristesse après ces retrouvailles intimes
Avec celui qui partagea mes années enfantines
Et qui de blessure en blessure d’une vie mutilée
S’est arrêté là, ailes coupées, esprit égaré.

Ligne blanche, frère en quarantaine éternelle !
Ligne pointillée, talus verdure, la folie me guette !
En ritournelle !

18 août 1996

Femmes Assises, 1ère publication La Vie des Autres N°3, 1994

Cendres de toi

Cendres de toi. Frère en quarantaine éternelle !
Nous t’aurions aimé équilibriste
Sur les fils d’une vie harmonieuse
Nous t’avons aimé au long cours
D’un enfermement partagé
Avec ceux de ta condition de déboussolés
Ta boussole ayant perdu depuis bien longtemps
Ton nord, ton sud, ton est et même ton ouest.

Cendres de toi. Frère en quarantaine éternelle !
Nous t’aimerons au-delà de ces quatre points cardinaux
Au-delà des frontières du réel accrochées à nos quotidiens
Nous t’avons aimé et t’aimerons
Pour les crues débordantes de ton délire
Que tu ne savais pas maîtriser,
Pour cette tendresse émouvante que tu expulsais
Gauchement vers nous lors de ces journées intimistes
Où, tels des papillons, nous voletions autour de toi
Pour déposer dans tes bras, la nôtre, de tendresse.

Cendres de toi. Frère en quarantaine éternelle !
Les accroche-cœurs de nos mots n’ont pas su
Aguicher tes maux pour les réduire à néant
Leurs échardes se sont plantées chaque jour
Un peu plus en toi et t’ont envoûté jusqu’au silence.
Alors tu as refusé la démesure de cette souffrance
Qui te faisait muet devant l’inacceptable
Et tu as préféré glisser doucement vers la sortie
De ce monde où la lumière t’avait ignoré.

Cendres de toi. Frère en quarantaine éternelle !
Tu avais enfin rendu les armes
Et si nos cœurs accrochés à ta vie ont osé pleurer
La rupture que tu nous as infligée
Nous ne saurions t’en vouloir de ton escapade,
Le chaos de ta vie étant enfin évaporé
Pour redonner à tes ailes brisées
L’élan vers un ailleurs meilleur et lumineux
Ta souffrance réduite en cendres.
Frère en quarantaine éternelle !

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